Biologie de synthèse : les bactéries au service de l'Homme
Bricoler le génome de levures ou de bactéries pour produire des médicaments, des pneus ou dépolluer les rivières peut sembler saugrenu. Pourtant, c'est ce que permet la biologie de synthèse. Une discipline qui promet de nombreuses applications dans le domaine de la santé, l’énergie et l’environnement.
La biologie de synthèse a pour ambition de créer des êtres vivants qui n’existent pas. Une vie artificielle au service de l’Homme. Par la création d’OGM sophistiqués, cette science suscite fascination et inquiétude (voir l’article Armes biologiques : la menace du biohacking). Certains la comparent même à la boîte de Pandore. C’est oublier que cette discipline à l’interface de la biologie, de l’informatique et de l’ingénierie permet la fabrication de médicaments, de biocarburants ou d’outils de diagnostic utiles à des centaines de milliers de patients.
L’une des applications les plus connues est la production d’artémisinine, le médicament de référence contre la forme la plus sévère du paludisme. A l’origine cette molécule était extraite d’une plante chinoise, mais des procédés industriels insatisfaisants et les aléas climatiques menacent sa production. Avec le soutien de la Fondation Bill et Melinda Gates, le laboratoire Sanofi a misé sur une levure modifiée capable de transformer le sucre en précurseur d’artémisinine. Depuis 2013, environ 39 millions de traitements auraient été produits, soit 10 % de la demande mondiale, selon un article publié l’an dernier dans la revue scientifique de Nature.
Cette prouesse est le fruit d’une reprogrammation du génome qui permet de conférer de nouvelles propriétés à des microorganismes. « La biologie qui était une science d’observation est devenue une science d’action. Il ne s’agit plus d’observer la nature, mais de la modifier », explique Michel Morange, professeur de biologie à l’Ecole normale supérieure et à l’université Pierre et Marie Curie (Paris).
Déjà une réalité
Née en 2003, la biologie de synthèse peut se targuer d’avoir déjà atteint l’ère de l’industrialisation. En 2015, une organisation américaine comptabilisait dans le monde 116 produits ou technologies industrielles commercialisés ou proches de l’être, dont l’artémisinine. « L’émergence de la biologie de synthèse est assez semblable à celle de la chimie de synthèse 150 ans auparavant. Si cette analogie est vraie alors on peut faire la prédiction que dans 50 ans, la biologie de synthèse sera partout », augure François Képès, fondateur de Institut de biologie des systèmes et de synthèse du Genopole d'Evry (Essonne).
En tout cas le géant pharmaceutique français y croit. Il s’est également lancé, à l’aide de levure de boulanger, dans la production d’hydrocortisone synthétique, un traitement prescrit en cas d’une insuffisance surrénale. Cette levure artificielle mise au point par Denis Pompon, directeur de recherche au CNRS, permet de remplacer la totalité du processus industriel, soit 9 étapes.
D’autres chercheurs se sont penchés sur la détection d’arsenic dans l’eau de boisson, la dégradation de composés toxiques et polluants environnementaux, ou encore la production de fibres textiles et de caoutchouc.
par Anne-Laure Lebrun source : http://www.pourquoidocteur.fr/Articles/Question-d-actu/20155-Biologie-de-synthese-les-bacteries-au-service-de-l-Homme